A Vernier, les élections démarrent sur le pas de la porte (article de la tribune de Genève)

Télécharger en format .pdf

Tribune de Genève du mercredi 25 février 2015 – Luca Di Stefano

A Vernier, les élections démarrent sur le pas de la porte

photo d'écran de l'article de la Tribune de Genève concernant la campagne de porte à porte du Parti Socialiste de VernierAfin de mobiliser les étrangers et les
abstentionnistes,les socialistes
relancent le porte-à-porte

Châtelaine, entre chien et loup. L’obstacle du digicode franchi, la troupe peut s’éparpiller et remonter une à une les allées du chemin de Maisonneuve. C’est que la campagne électorale en vue des municipalesdu printemps a démarré. Au-delà des sempiternels tracts et affiches aux résultats hypothétiques, à Vernier, le Parti socialiste a entamé une stratégie de porte-à-porte. Après avoir identifié les quartiers les plus abstentionnistes – Vernier affiche les scores les plus mauvais de Suisse en termes de participation – l’objectif est d’ouvrir 2500 portes. Inspirée des têtes pensantes des campagnes de Barack Obama et François Hollande, la méthode est assistée d’un logiciel qui cartographie les lieux de passage, recense les portes closes, celles qui s’ouvrent et les réactions. «Les études montrent qu’un contact humain a 30% de chances de déclencher un processus de vote», note Thierry Apothéloz, maire socialiste de la Commune, en lice pour un quatrième mandat.

Méconnaissance des droits

Dans les escaliers de cet immeuble moderne, l’odeur poivrée du curcuma annonce les plats qui mijotent. «Il est difficile de trouver le bon horaire. A 19 h, les gens commencent à manger», s’inquiète Leutrim Hebibi, candidat au Conseil municipal de 21 ans. Lorsque les portes s’ouvrent à lui, il a quelques secondes pour se présenter aux côtés de Ndieme Ndiaye, militante. Bien qu’hésitant, le discours capte au moins l’attention. «D’accord, je vais y réfléchir, accueille une mère de famille. Mais franchement, il y en a marre de payer pour les frontaliers. Qu’ils engagent d’abord les gens d’ici!» La soirée démarre dans les cordes. A l’étage du dessous, une femme âgée referme aussi vite qu’elle a ouvert. «J’ai plus envie de voter. Au revoir.» Son voisin est à peine plus loquace: «Je vote… mais là, je rentre du boulot et je ne pense à rien.» La famille qui parfumeles couloirs est originaire de la Corne de l’Afrique. Ses membres, arrivés en Suisse il y a moins de sept ans, n’ont pas le droit de vote. En réalité la majorité des habitants de ce quartier peut participer à la vie politique locale. «J’étais sûre que je ne pouvais pas, alors je ne me suis jamais vraiment
intéressée à la chose», s’étonne une jeune mère de famille lusophone. «Plus de la moitié des étrangers avec lesquels nous avons discuté ne connaissent pas leurs droits», font remarquer
les militants qui écument les paliers depuis plusieurs jours.

Pas touche aux bulletins

Alors que la campagne électorale en est à ses balbutiements, entrer dans les immeubles et sonner chez les gens rappelle de mauvais souvenirs à Vernier. En 2007, l’élection au Conseil administratif du MCG Thierry Cerutti était invalidée par le Tribunal administratif puis confirmée par le Tribunal fédéral. Selon les juges, des bulletins de vote signés au préalable étaient confiés à des «démarcheurs» politiques chargés d’aller chercher des électeurs à leur domicile. Le sentiment d’avoir assisté à une élection bidonnée ne s’était effacé que des mois plus tard, au terme d’un nouveau scrutin confirmant la victoire de Thierry Cerutti, à nouveau candidat ce printemps. Ainsi, les militants ont une consigne: «Surtout ne pas toucher les bulletins», insiste Thierry Apothéloz dans l’arrière-salle d’une pizzeria convertie en quartier général. Pour l’heure, les enveloppes de vote ne sont pas encore parties, mais le porte-à-porte se poursuivra jusqu’au jour des élections. Dans les cages d’escalier, l’opération arrive à son terme. Bilan des deux militants: huit portes se sont ouvertes, l’accueil fut quatre fois positif, quatre fois hostile. Tout cela sera répertorié, comme les résidents absents chez qui il faudra repasser. Place désormais à un débriefing. En chemin, Ndieme Ndiaye utilise son manteau pour se protéger du violent orage qui s’abat. «Ce n’est pas facile quand les gens sont négatifs avant même qu’on ait pu leur parler.»

Le vote des étrangers ne décolle pas

«J’ai 8 ans, je vote dans ma commune.» Le slogan peut sans doute semer le trouble, mais il a le mérite d’être accrocheur. Il y a dix ans, 52% des Genevois acceptaient d’offrir le droit de vote pour les scrutins municipaux aux étrangers établis en Suisse depuis au moins 8 ans. Aujourd’hui, les chiffres de participation de cette catégorie de la population peinent à décoller. Raison pour laquelle l’Etat et l’Association des communes genevoises (ACG) ont lancé, hier, leur campagne de sensibilisation et d’information en vue des prochaines élections communales (premier tour:
19 avril, deuxième tour: 10 mai). A travers des séances d’information, des stands au centre-ville et des slogans déclinés dans les sept langues les plus parlées à Genève, l’opération a pour
objectif de stimuler la participation. Car entre 2007 et 2011, années des deux derniers scrutins municipaux, la participation des étrangers a baissé. Pour le premier des deux exercices, 27,2% des étrangers se sont exprimés lors des élections des conseils municipaux. Quatre ans plus tard, des valeurs plus basses étaient enregistrées (27%). Quant à l’écart de participation entre Suisses et étrangers, il a oscillé entre 12 et 16 points. En outre, les statisticiens ont pu constater que les Portugais présentent des taux de participation nettement au-dessous des moyennes, puisque seuls 15,3% de ceux qui en avaient la possibilité se sont exprimés en 2011. Cette année, 86 000 étrangers auront la possibilité de voter dans leur commune; ils représentent environ 25% du corps
électoral.

Luca Di Stefano