L’Internationale: Histoire de l’hymne socialiste

Pour ne jamais oublier d’où l’on vient!!

UN OUVRIER BELGE NOMMÉ Pierre DEGEYTER :

Dès la parution des « Chants révolutionnaires », Charles Gros, auteur notamment de la « MARCHE DU Ier MAI », alors professeur à Lille, en donne un exemplaire au groupe lillois du Parti ouvrier. Gustave Delory, maire socialiste de la ville, remarque aussitôt le souffle révolutionnaire du poème, et demande à Pierre Degeyter de la mettre en musique pour leur société musicale lilloise, La Lyre des travailleurs.

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Pierre Degeyter est né à Gand le 8 octobre 1848. Ses parents, très modestes, sont ouvriers d’usine. A neuf ans, il travaille dans une fabrique à Lille, où ses parents sont venus s’installer. Parallèlement à son travail, il suit des cours à l’Académie de musique de Lille, où il obtient un prix pour instrument à vent en 1886. Compositeur amateur, il est membre de la Lyre des travailleurs, qu’il dirige d’ailleurs.

Lille est alors une cité de 160.000 habitants. Près deux cents fabriques y exploitent un important prolétariat textile. A Lille, Roubaix, Tourcoing, l’industrie de la laine groupe la moitié du nombre de broches existant en France. Dans les mines, la production est passée de un million de tonnes en 1852 à 4.313.000 tonnes. La métallurgie compte 22.000 travailleurs.

Séduit par la puissance des paroles de « L’Internationale », au café « La Liberté », Pierre Degeyter compose en trois jours la musique adaptée au poème d’Eugène Pottier.

Le 23 juin 1888, au cours d’une fête populaire organisée par le Parti ouvrier, la Lyre des travailleurs, placée sous la directeur du compositeur lui-même, interprète pour la première fois l’hymne révolutionnaire. Une semaine plus tôt, le 16 juin 1888, il a été « testé » par Pierre Degeyter devant les ouvriers du quartier Saint-Sauveur, réunis dans un estaminet de la rue de la Vignette. Il semble d’ailleurs que, bien avant, ce soient les ouvriers de l’usine de Fives, compagnons de travail de Pierre Degeyter, qui ont eu la primeur des premiers couplets, de la bouche même du compositeur.

Cette même année 1888 est publiée l’édition originale de « L’Internationale » comprenant musique et paroles. Diffusée à Lille à six mille exemplaires, il n’en subsiste plus qu’un actuellement. Une particularité cependant. Si le nom d’Eugène Pottier s’étale en toutes lettres, il n’en va pas de même pour l’auteur de la musique, puisqu’il n’est fait mention que du nom : Degeyter.

En effet, Gustave Delory, maire de Lille, a manœuvré, et continuera à le faire, pendant de nombreuses années, pour que la paternité de la musique du « chant de tous les prolétaires du monde » soit attribuée à Adolphe et non à Pierre Degeyter. Avant de se suicider, Adolphe reconnut qu’il n’avait pas osé s’opposer aux affirmations de Gustave Delory. Pour deux raisons : sa faiblesse de caractère, et le fait qu’il était employé par la municipalité lilloise. Finalement, la Cour d’Appel de Paris tranche définitivement le 23 novembre 1922 en faveur de Pierre Degeyter. Et c’est enfin, à l’âge de 75 ans, que celui-ci peut se déclarer « propriétaire » de la mélodie de « L’Internationale ».

« Provocation au meurtre »

Entre-temps, beaucoup de choses se sont passées. Tout d’abord, deux nouvelles éditions -en 1894 et 1898- ont suivi celle de 1888. Donnant à la mélodie sa forme définitive que Pierre Degeyter a suivie dans son manuscrit déposé le 8 mars 1926, après le gain de son procès.

Par ailleurs, les nantis, les bien-pensants, les possédants, les généraux n’acceptent pas cette chanson. La répression est dure. En 1894, le secrétaire de mairie de Gaudry, Armand Gosselin, est emprisonné pendant un an. Chef d’accusation : provocation au meurtre et à la désobéissance militaire pour l’avoir chantée. L’imprimeur écope d’un an de prison également pour avoir eu l’audace de mettre sous presse « L’Internationale ».