Non à la privatisation de l’accueil préscolaire

Tribune libre de Martin Staub parue dans la Tribune de Genève du 6 mars 2023

Au printemps, tous les cinq ans, il y a floraison des engagements électoraux. Cette année, ce sont les propositions concernant la création de places en crèche qui éclosent.

C’est une bonne nouvelle que la question de l’accueil des enfants en âge préscolaire se retrouve au centre de l’attention. En effet, la conciliation entre vie privée et professionnelle est intimement liée aux solutions de garde, sans lesquelles les parents, particulièrement les mères, sont souvent contraints de renoncer, partiellement en tout cas, à leur carrière.

L’accueil préscolaire joue également un rôle crucial dans la réduction des inégalités, les différences de langages se développant par exemple déjà entre 2 et 4 ans.

Si c’est une bonne nouvelle que les partis s’intéressent à la question de l’accueil préscolaire, certaines propositions fleurent bon la mauvaise idée.

«Comment le privé pourrait faire moins cher sans porter atteinte dramatiquement les conditions d’accueil?»

Prenons la proposition de créer des «bons» à faire valoir pour une place en crèche à la place du subventionnement ordinaire. Ce n’est rien d’autre qu’une privatisation de l’accueil préscolaire.

En effet, l’argent utilisé pour subventionner les institutions publiques serait détourné pour financer des entreprises privées. C’est comme si on supprimait le financement de l’école publique pour les détourner vers des bons valables dans n’importe quel établissement privé. Qui soutiendrait aujourd’hui que l’instruction publique devrait être privatisée?

Même en admettant que la privatisation de l’éducation ne soit pas un problème, un système de bons ne créerait pas de places. Les proposants méconnaissent les conditions nécessaires à la création et au fonctionnent des crèches. Afin d’ouvrir des places, les coûts d’investissement notamment en locaux ou en matériel sont importants. Puis, en moyenne, le coût annuel de fonctionnement par place est d’environ 30’000 francs. En outre, des règles d’encadrement garantissant la sécurité et la qualité de l’accueil standardisent les coûts, en plus un règlement cantonal qui assure des revenus décents pour le personnel fixe les salaires minimaux. Ainsi, comment le privé pourrait faire moins cher sans porter atteinte dramatiquement les conditions d’accueil?

Et sans profit en vue, les privés n’auraient aucune incitation pour créer de nouvelles places. D’ailleurs, le canton de Berne, et Bienne en particulier, donnés en exemple pour le système de bon, offrent moins de place par enfant que le canton de Genève.

En réalité, cette proposition surfe sur la vague des préoccupations légitimes des (futurs) parents sans offrir de réelles solutions. Pour créer des places de qualité, il est indispensable de continuer à pousser les communes à offrir des places en renforçant les incitations cantonales et fédérales.

En outre, les promoteurs publics et privés doivent prévoir dans chaque nouveau projet d’importance des structures d’accueil préscolaire. Cependant, cela ne suffira pas car le personnel tend à manquer. Un véritable plan Marshall pour la formation des éducateurs de la petite enfance doit être mis en place.

En outre, un réel congé parental (une commission fédérale a proposé 38 semaines) permettrait de rediriger une partie des moyens investis pour les enfants de moins de 12 mois vers les plus grands, libérant ainsi des places.

Des solutions d’accueil préscolaire de qualité connaîtront leur printemps par des mesures concrètes et non par des propositions qui faneront une fois les élections passées.